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Interview : Claire Balva – Néobanque

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Dans le cadre de notre magazine, nous avons réalisé une série d’interviews pour illustrer nos propos et les tendances actuelles du secteur financier et technologique. Grâce aux avis d’experts, nous souhaitons offrir des perspectives concrètes et des analyses approfondies pour mieux comprendre ce sujet.

Nous vous présentons Claire Balva qui est VP Stratégie chez Deblock depuis janvier 2024, pionnier des comptes courants intégrant un portefeuille crypto. Elle est l’ancienne directrice Blockchain & Cryptos chez KPMG France, elle a cofondé Blockchain Partner en 2015, avant sa fusion avec KPMG. Elle est également consultante indépendante et animatrice pour BFM Business et Unhosted.


Quels sont les principaux défis pour que les cryptomonnaies atteignent une adoption massive ?

Claire Balva : « Le premier défi est technique. Depuis des années, la scalabilité des blockchains est un problème. La solution privilégiée est l’utilisation des surcouches (layer 2) pour traiter beaucoup de transactions hors chaîne avant de les réconcilier sur la blockchain principale, ce qui augmente la capacité du réseau et évite les saturations et frais élevés, comme observé lors de certains bullruns (marché haussier).

Le deuxième défi est un défi d’image. Dans de nombreux pays, dont la France, les cryptomonnaies sont associées à des activités illicites et des préoccupations écologiques. Cette mauvaise image nuit à l’adoption.

En prenant du recul, il faut noter que l’industrie des cryptos ne cherche pas nécessairement une adoption massive. Certains courants, notamment autour de Bitcoin et Monero, visent à servir de sauvegarde en cas de défaillance des systèmes monétaires traditionnels, plutôt qu’à atteindre une adoption massive. »

Comment les entreprises peuvent-elles s’adapter aux innovations rapides en cryptomonnaies et blockchain ?


« Pour des entreprises traditionnelles, je dirais qu’il n’y a franchement pas 50 options. Comme pour n’importe quelle innovation, il faut avoir des gens compétents. Il faut donc avoir un département innovation qui travaille sérieusement. Il faut également quelques compétences techniques en interne.

Le plus gros obstacle, souvent, c’est un obstacle réputationnel et politique parce que ce sont des sujets politiquement sensibles. Et le risque, c’est de faire ce que beaucoup de banques ont fait ces dix dernières années, c’est-à-dire de faire de la crypto sans faire de la crypto, c’est-à-dire qu’on va faire de la blockchain sans crypto. Beaucoup de grandes entreprises évitent de mentionner les cryptos directement, préférant utiliser des termes comme blockchain ou tokens. Il est crucial de passer outre ces préjugés, mais cela peut être plus difficile pour une grande entreprise.

Il n’y a pas de recette magique, il faut des gens compétents et les moyens nécessaires.

C’est comme l’IA, c’est comme le cloud. Il n’y a pas de recette magique, il faut des gens compétents et les moyens nécessaires. Pour les entreprises crypto, elles n’ont pas ce problème de préjugés, mais elles font face à des défis de financement et de passage à l’échelle en raison des réglementations strictes. Pour elles, il y a vraiment un enjeu de levée de fonds, de financement et aussi de recrutement bancaire, juridique et plus classique pour se conformer à la réglementation… »

Quelles sont les différences géographiques dans l’adoption des néobanques en Europe et dans le monde ?

« Pour vous répondre, ce que je peux peut-être faire, c’est vous parler de Deblock, et cela éclairera un peu la réponse à ces questions.

Par exemple, la situation dans laquelle nous sommes aujourd’hui, c’est que nous nous développons en France, avant de nous étendre au reste de l’Europe. Nous avons choisi d’être régulés par l’ACPR, qui dépend de la Banque de France, et qui est le régulateur français. En étant régulés par l’ACPR, nous avons le droit de proposer nos services, par exemple, aux territoires d’Outre-mer, à la Polynésie française, contrairement à d’autres néobanques comme Revolut et N26.

Rien qu’en France, selon que vous soyez dans l’Hexagone ou non, vous n’avez pas la même offre

En arrivant en Polynésie, honnêtement, nous ne nous y attendions pas, nous avons reçu de nombreuses demandes de Polynésiens cherchant à ouvrir des comptes bancaires en ligne, car ils n’avaient accès qu’aux banques traditionnelles. Ils ne cherchaient pas forcément la partie crypto, mais voulaient des services bancaires modernes.

Rien qu’en France, selon que vous soyez dans l’Hexagone ou non, vous n’avez pas la même offre… »

Qui sont les clients typiques des néobanques et comment ces institutions ajustent-elles leurs services pour eux ?

« Il n’y a rien de révolutionnaire dans ce que je vais vous dire, mais aujourd’hui, les néobanques s’adressent à un public très large, surtout en France où les gens n’ont plus besoin de se rendre en agence bancaire. Pour Deblock, nous ciblons un public familier avec les cryptos, généralement plus jeune, qui attend des services rapides et fluides, disponibles sur mobile, avec des fonctionnalités comme les virements instantanés. Enfin, ces choses-là font maintenant partie des services indispensables.

La demande pour des offres crypto augmente, poussant même les banques traditionnelles à envisager de telles options, malgré des réticences internes. La demande commerciale force ces institutions à évoluer. »

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Quel est l’impact des néobanques sur l’inclusion financière et l’accès aux services bancaires ?

« Ça a un vrai impact parce que finalement on avait un secteur bancaire qui était un peu vieillissant avec une sorte d’équilibre qui se faisait entre toutes les banques sur les frais bancaires. Les néobanques réduisent les frais bancaires et simplifient l’accès aux services bancaires, favorisant ainsi l’inclusion financière. Elles permettent à des personnes, même dans des régions isolées avec accès à Internet, d’ouvrir des comptes sans se rendre en agence.

Donc oui, ça permet l’inclusion financière ! Maintenant, il ne faut pas imaginer que c’est de la magie non plus. Dans certains pays ou dans les régions reculées, il y a l’absence d’accès à Internet, ce qui est un autre enjeu.. »

Quelles sont les perspectives d’avenir pour les néobanques et comment pourraient-elles évoluer ?

« Je vois plusieurs choses à dire. Déjà, il faut bien voir que c’est un secteur dans lequel il y a des sujets sur la rentabilité du modèle. Les frais sont nettement réduits, mais les néobanques sont en train d’essayer de diversifier leurs services, de proposer un peu plus de services d’épargne.

En fait, elles ont une structure de coût qui est allégée par rapport aux banques classiques, mais elles ont quand même des soucis pour arriver à faire suffisamment de chiffre d’affaires pour être rentables. En termes de perspectives, il y a vraiment un challenge sur le modèle des néobanques pour arriver à des seuils de rentabilité qui permettent d’être vraiment pérennes. C’est effectivement assez important.

Je pense qu’il y a aussi un enjeu de souveraineté technologique. Parce qu’aujourd’hui, il y a plein de néobanques qui se basent sur ce qu’on appelle du Bank-as-a-Service (BaaS). Elles en dépendent souvent, ce qui les rend vulnérables à ces infrastructures tierces. Vous pouvez avoir plein de néobanques différentes mais qui se basent toutes sur la même infrastructure. Par exemple : Deblock vise à être indépendant avec ses propres systèmes de paiement pour éviter cette dépendance.

Quel acteur est suffisamment solide pour être souverain et ne pas être systématiquement en dépendance d’une infrastructure externe

Dans les perspectives, je vois personnellement une sorte de clarification du marché pour voir quel acteur est suffisamment solide pour être souverain et ne pas être systématiquement en dépendance d’une infrastructure externe. Avec les taux d’intérêt en baisse, les néobanques doivent également trouver des moyens de générer des revenus, notamment via les crédits.

Après, encore une fois, j’insiste, je ne suis pas une experte du secteur financier en général. Ma réponse est peut-être un peu diffuse. »

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