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Interview Expert

Interview : Xavier Damman – ReFi

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Pour parfaire nos ressources et nos informations, nous avons réalisé une série d’interviews pour illustrer nos propos et les tendances actuelles du secteur financier et technologique. Grâce aux avis d’experts, nous souhaitons offrir des perspectives concrètes et des analyses approfondies pour mieux comprendre ce sujet.

Diplômé de l’université catholique de Louvain et de l’université polytechnique de Madrid, Xavier Damman est un entrepreneur belge. Co-fondateur de Storify et d’Open Collective, une plateforme permettant aux communautés open source de collecter et gérer des fonds, il est un fervent défenseur de l’open source et des technologies décentralisées, contribuant activement à l’écosystème Web3.


Quels projets Web3 dans le bien commun vous semblent les plus prometteurs et pourquoi?

Le projet le plus prometteur, à mon avis, concerne tout ce qui touche au financement collaboratif, notamment des communs, et plus spécifiquement des communs digitaux, car c’est là que tout commence. 

« Gitcoin a été la première plateforme dans ce domaine, introduisant le concept de Financement Quadratique. Ils ont débuté avec des primes, puis ont évolué vers le financement quadratique, ce qui est une excellente itération pour soutenir véritablement des projets ayant un large soutien, plutôt que ceux ayant simplement une plus grande capacité à obtenir des dons.

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Par exemple : l’idée est qu’un projet bénéficiant d’une donation unique de 10 000 dollars d’une personne fortunée devrait recevoir moins de soutien communautaire qu’un projet ayant reçu 10 000 donations de 1 dollar chacune.

Dans ce cas-ci, le deuxième projet a un signal beaucoup plus fort car il implique un grand nombre de personnes, ce qui en fait un bien public pour un large public. Bien que Gitcoin soit excellent, ce n’est clairement pas suffisant. Il y a de nombreux problèmes, notamment le fait que cela soit devenu au fil du temps, un concours de popularité, nécessitant beaucoup de marketing pour récolter des fonds. 

L’autre progrès dans ce domaine est le concept de Retroactive Public Good Funding (introduit par Optimism). J’ai beaucoup d’espoir pour cette méthodologie, mais il faudra des années avant qu’il ne se réalise pleinement et atteigne son plein potentiel.

Le but de ce concept est de dire que la meilleure façon d’investir l’argent public, ou celui de la communauté, est de rémunérer des réalisations déjà accomplies. Ainsi, on peut évaluer exactement ce qui a été fait, sans se baser sur du marketing, mais sur les résultats concrets livrés. On peut mesurer combien de personnes ont utilisé le service ou le produit, et d’autres critères objectifs. Mais cela crée un nouveau problème…

  • Comment créer un projet de bien commun si l’on doit attendre qu’il soit construit et couronné de succès avant de recevoir des financements ?
  • Comment le financer au départ ?

Si on peut montrer à travers l’historique que des projets réussis ont reçu des financements rétroactifs importants, cela permettrait à de nouveaux projets d’attirer des investisseurs en leur disant : « Regardez, vous pouvez investir dans mon projet, il y a une forte probabilité que je reçoive des fonds rétroactivement, ce qui vous permettra de réaliser un profit sur votre investissement. »

Cela pourrait créer un nouveau marché où, au lieu de convaincre des fonctionnaires pour obtenir des subventions, il faut convaincre les utilisateurs, qui seront les premiers bénéficiaires de ce qui est construit. Cela décentralise la prise de décision sur ce qui doit être financé pour créer des biens communs. C’est pourquoi ces deux concepts me donnent le plus d’espoir pour résoudre le problème crucial du financement et du maintien des biens communs. »

La blockchain pourrait permettre de réduire les inégalités financières?

« Oui, les inégalités financières constituent un réel problème. L’histoire montre que diverses civilisations se sont effondrées lorsque la disparité des richesses est devenue ingérable. Aujourd’hui, nous sommes dans une situation similaire, accentuée par le développement des technologies et de l’intelligence artificielle. Ces avancées permettent de créer des start-ups avec seulement deux ou trois employés, ce qui conduit à une concentration de richesses de plus en plus importante. Cela exacerbe les inégalités, ce qui est un problème majeur.

Je pense que le véritable problème des inégalités est en fait un problème d’allocation des ressources. Nous vivons en société, en communauté, et certaines personnes au sein de nos communautés ont une plus grande capacité à pouvoir récolter des richesses.

Je pense que le véritable problème des inégalités est en fait un problème d’allocation des ressources. Nous vivons en société, en communauté, et certaines personnes au sein de nos communautés ont une plus grande capacité à pouvoir récolter des richesses.

Le problème actuel est de savoir comment redistribuer cette richesse : est-elle capturée et conservée par un nombre restreint de personnes qui s’isolent, ou existe-t-il une méthode pour redistribuer cette richesse au sein de la communauté et de la société ? Pour cela, il faut changer les règles du jeu et réinventer le système économique. Le Web3, l’internet des monnaies, représente pour moi la plateforme idéale pour créer de nouveaux modèles économiques. C’est une pièce du puzzle absolument fondamentale dont nous devons nous emparer rapidement pour EXPÉRIMENTER et TESTER.

Le Web3 , l’internet des monnaies […] est une pièce du puzzle absolument fondamentale dont nous avons besoin pour EXPÉRIMENTER,TESTER […] et INVENTER de nouvelles économies.

Ce processus est très complexe, semblable à la création de jeux massivement multi-joueurs, où nous devons inventer de nouvelles économies. Ce n’est pas facile, mais la meilleure approche est d’essayer, de tester et de voir ce qui fonctionne. Il n’existe probablement pas de solution unique pour tous. Différentes communautés et régions devront adopter divers modèles économiques en fonction de leurs besoins. C’est pourquoi je crois que le Web3 est essentiel pour l’expérimentation de nouveaux modèles économiques plus régénérateurs, permettant une meilleure allocation des ressources et une réduction des inégalités.

Quels sont les principes fondamentaux de la finance régénérative (ReFi)  ?

Le principe de ReFi (Regenerative Finance), ou Native Finance, est de créer un nouveau monde financier dont le but n’est pas l’accumulation de capital entre quelques mains, ce qui accentue les inégalités, ni la croissance du PIB comme unique métrique. Au contraire, il s’agit d’utiliser la finance pour améliorer l’allocation des ressources et optimiser des objectifs autres que la simple croissance du PIB, tels que la séquestration du carbone ou la préservation de la biodiversité. L’objectif est de régénérer notre planète, notre environnement et nos communautés.

Lien pour en savoir plus : https://www.coindesk.com/fr/opinion/2022/12/15/the-next-step-in-the-evolution-of-web3-regenerative-finance/

L’objectif est de régénérer notre planète, notre environnement et nos communautés.

La question est donc de savoir comment mettre en place de nouveaux systèmes d’incitation et économiques pour régénérer ces différentes ressources. C’est l’essence même de ReFi, qui est complémentaire à DeFi (Decentralized Finance).

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La DeFi se compose des primitives financières comme Uniswap, qui permet d’échanger des tokens de manière totalement décentralisée entre différents projets. La ReFi tire parti de la DeFi, pour régénérer les ressources nécessaires à notre bien-être collectif.

Peut-on participer activement à la ReFi ? Est-ce du militantisme numérique ?

Oui, n’importe qui peut nous rejoindre c’est ca qui est magnifique avec la DeFi, la ReFi, etc… C’est que c’est l’Internet, c’est le Web en général comme pour son évolution (le Web3), c’est comme l’internet, n’importe qui, n’importe quel citoyen peut le rejoindre, pas besoin de demander la permission. Et j’invite vraiment tout le monde à venir tester, à apprendre, à venir jouer, c’est une façon d’apprendre.

Alors c’est effectivement un peu militant aujourd’hui, parce qu’il faut reconnaître que ça reste quand même compliqué. C’est comme au début de l’internet où il fallait vraiment le vouloir.

Alors c’est effectivement un peu militant aujourd’hui, parce qu’il faut reconnaître que ça reste quand même compliqué. C’est comme au début de l’internet où il fallait vraiment le vouloir : acheter un modem, payer à la minute. Je me rappelle, quand j’avais environ 14 ans, mes parents ne comprenaient pas pourquoi je chattais sur ICQ (Chat Online), alors que je pouvais juste téléphoner à mon ami, ce qui aurait été plus facile et rapide. C’est aussi du militantisme d’une certaine façon : je croyais à l’internet, je voulais l’utiliser, apprendre, même si je pouvais faire quelque chose de plus facile en utilisant le téléphone. Je voulais passer par l’exercice de créer une connexion internet, apprendre les différents outils existants.

Aujourd’hui, c’est exactement où nous en sommes avec le Web3. C’est encore compliqué, mais nous sommes là pour apprendre, et surtout, cela ouvre l’esprit à d’autres façons d’opérer. Cela nous donne des outils pour créer du nouveau contenu qu’il n’était pas possible de faire avant ou pas aussi facilement. Avant l’internet, si je voulais créer mon magazine (ce que j’ai fait à l’époque), il fallait imprimer, distribuer manuellement. Avec Internet, nous avons pu créer des blogs, ce qui a permis de changer les monopoles des idées partagées au sein de la population.

De nos jours, il y a un monopole sur le système économique et sur ce qui a de la valeur économiquement. Même si cela prend plus de temps et que c’est plus compliqué d’utiliser le nouvel internet des monnaies, je pense que cela vaut la peine pour apprendre, casser ce monopole et créer de nouvelles façons d’allouer des ressources. Cela sera beaucoup moins inégal et permettra de régénérer non seulement la croissance, mais aussi le bien-être de notre société.

Qu’est ce que le Commons Hub à Bruxelles, quelles sont les ambitions ?

Le Commons Hub est un nouvel endroit à Bruxelles, juste en face de la gare centrale, que nous apprenons à gérer en commun. C’est un espace de coworking et un lieu d’événements où l’on peut organiser des séminaires et des conférences, le tout sur le thème des communs. Le but est d’apprendre comment gérer ensemble des ressources communes.

Le but est d’apprendre comment gérer ensemble des ressources communes.

C’est quelque chose que nous avons perdu avec le temps. Avant l’avènement des États-nations, nous gérions les choses en commun. Puis, avec la révolution industrielle et le capitalisme, nous avons appris à privatiser, à diviser les terres pour qu’elles aient des propriétaires individuels. Nous avons remplacé notre capacité à gérer les ressources en commun par un système économique transformant tout en transaction. De ce fait, nous avons oublié les effets secondaires de l’utilisation des ressources.

Le but du Commons Hub est de créer un espace où nous pouvons réunir la communauté des personnes désireuses de redévelopper les communs, et organiser des événements pour réapprendre à gérer des choses en commun.

Et du coup, pour Work2Work, nous-mêmes allons gérer ce lieu en tant que commun. Cela est étroitement lié au Web3, qui implique la création de communs et de coopératives digitales, comme les DAO (Decentralized Autonomous Organizations). Nous voulons gérer ce Commons Hub en tant que DAO.

C’est un espace de jeu pour apprendre : apprendre à créer une coopérative digitale, à gérer un lieu en commun, à faire quelque chose non pas pour une entreprise privée, mais pour la communauté. Plus ce lieu connaîtra de succès, plus la communauté en bénéficiera. C’est une aventure qui vient de commencer. Nous avons récemment ouvert et obtenu l’accès au bâtiment le 1er juin. Nous avons organisé notre premier événement, Regen Village, à côté d’EthCC, la plus grande conférence européenne sur la crypto et l’univers Ethereum, qui a rencontré beaucoup de succès.

Nous sommes impatients de voir comment tout cela va se développer et nous invitons tout le monde à rejoindre l’aventure sur commonshub.brussels.

Le citizen Wallet est un nouvel outil pour remplacer les monnaies locales ? 

« Le CitizenWallet est un projet open source que j’ai lancé il y a un peu plus d’un an avec Kevin, et maintenant Jonas, et une communauté qui se développe autour de nous.

Quel est le but ? Créer un crypto wallet pour les citoyens, comme son nom l’indique.

Pourquoi ? Parce que jusqu’à présent, les crypto wallets sont assez compliqués. Il y a eu deux générations :

  • La première génération, comme MetaMask, était destinée aux personnes techniques.
  • La deuxième génération est conçue pour les personnes qui ont de l’argent et investissent sur les marchés crypto.

Cela reste compliqué pour ceux qui n’ont pas des milliers d’euros à investir. Les interfaces sont souvent encombrées de divers tokens et affichent des prix en euros ou en dollars. L’idée de l’internet des monnaies et des tokens est qu’ils devraient idéalement être entre les mains des citoyens. Or, la majorité des citoyens ne sont pas intéressés par investir en bourse, surtout la bourse crypto.

L’idée de l’internet des monnaies et des tokens est qu’ils devraient idéalement être entre les mains des citoyens. Or, la majorité des citoyens ne sont pas intéressés par investir en bourse, surtout la bourse crypto.

Nous avons donc créé un crypto wallet pour les utilisateurs non-tech. La spécificité de CitizenWallet est que lorsqu’on le télécharge, on rejoint une communauté, et le wallet se configure automatiquement pour cette communauté. Ainsi, l’utilisateur n’est pas distrait par les 36 000 fonctionnalités des applications de crypto-trading.

Le but du CitizenWallet est de permettre uniquement de recevoir et envoyer le token de la communauté à laquelle on appartient. C’est ça, le CitizenWallet. Un des objectifs est de permettre à n’importe quelle communauté de créer son propre token, sa propre monnaie. Ce n’est pas un outil pour remplacer les monnaies locales, mais pour les aider ou pour développer de nouvelles monnaies locales et des monnaies alternatives. Par exemple, des tokens pour une coopérative, où les membres reçoivent des tokens quand ils contribuent (pex : en réalisant des shifts) et peuvent ensuite les échanger.

Le CitizenWallet est un outil open source permettant à n’importe quelle communauté de créer son token, sa monnaie, ou de convertir une monnaie locale existante en crypto. Le wallet aide la communauté à utiliser, échanger et gérer ces tokens.

Par exemple, avec la communauté DAO.brussels, nous avons créé un stablecoin, l’EurB, pour Bruxelles. Un EuroB équivaut à un euro et est utilisé lors des Crypto Wednesdays, tous les premiers mercredis du mois, au Commons Hub. Les gens peuvent facilement acheter des EuroB et les mettre sur leur téléphone portable avec le CitizenWallet. Nous avons aussi créé des NFC wallets pour permettre à ceux sans téléphone de recevoir et dépenser les tokens de la communauté.« 

As-tu peur que cela tombe dans l’oubli comme les monnaies locales ?

Personnellement, la Zinne, tout comme les 5000 autres monnaies locales en Europe, me rappelle un peu le Couchsurfing avant l’arrivée d’Airbnb. Ce sont principalement des activistes, avec une super ambiance et de super personnes. Mais parce qu’ils sont des activistes, ils ne se préoccupent pas trop si l’expérience utilisateur n’est pas géniale. Ils sont prêts à passer par toutes ces étapes compliquées.

Le but ici est vraiment de créer, en utilisant le Web3, l’open source et l’open data, un écosystème d’outils amusants et faciles à utiliser. Par exemple, des bracelets ou porte-clés NFC, mais aussi des affichages en temps réel du nombre de transactions. L’objectif est de rendre l’expérience utilisateur bien plus agréable pour toucher un plus grand nombre de personnes que les seuls activistes.

Est-ce que cela va marcher ? Je ne sais pas, mais il faut essayer. Il faut apprendre du passé et tenter quelque chose de différent. Comme disait Einstein : « La folie, c’est de faire toujours la même chose et de s’attendre à un résultat différent ». Il faut itérer, essayer de nouvelles méthodes (et outils) jusqu’à ce que cela fonctionne. Il est urgent de trouver un nouveau modèle économique aligné avec les besoins actuels, ceux de la nature et de notre communauté locale.

En ce qui concerne la Zinne, mon souhait est de travailler avec eux. J’ai moi-même contribué en tant que volontaire dans le collectif qui s’occupe de la Zinne. J’espère qu’un jour, ils adopteront ces nouvelles technologies et je ne peux pas non plus leur imposer cela. Ma porte est toujours ouverte, et dès qu’ils seront prêts, je serai plus qu’heureux de collaborer avec eux.

Aujourd’hui, la Zinne utilise une technologie créée il y a plus de 19 ans, Cyclos, dont l’expérience utilisateur n’est plus à la hauteur des attentes actuelles…

Il est important que chacun participe et contribue avec sa pierre à l’édifice. Il faut abandonner cette vieille mentalité de compétition. Il n’y a pas de gagnant unique ; nous devons passer d’une monoculture de monnaie unique à une permaculture de nombreuses monnaies différentes.

Il n’y a pas de gagnant unique ; nous devons passer d’une monoculture de monnaie unique à une permaculture de nombreuses monnaies (numériques) différentes.

Je pense qu’à l’avenir, à Bruxelles, il y aura de la place pour tout les initiatives : la Zinne, pour l’Euro-Brussels, pour des tickets repas végétariens à faible empreinte carbone, des tickets de sport, et bien plus encore. je me répète mais la seule limite est notre imagination! »

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Interview : Xavier Damman – ReFi

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