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Interview: Marem Aoucheva – Conformité

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Pour parfaire nos ressources et nos informations, nous avons réalisé une série d’interviews pour illustrer nos propos et les tendances actuelles du secteur financier et technologique. Grâce aux avis d’experts, nous souhaitons offrir des perspectives concrètes et des analyses approfondies pour mieux comprendre ce sujet.

Marem Aoucheva est une juriste spécialisée dans les enquêtes sur la conformité des cryptomonnaies et la blockchain. Elle est connue pour son suivi des délits liés à la cryptographie et pour aider les investisseurs à prouver les origines légitimes de leurs gains.

Au sein de l’équipe Crypto Compliance, elle se concentre sur la fourniture de rapports détaillés aux institutions financières et aux autorités pour garantir la transparence et la conformité des transactions cryptographiques​


Quels sont les processus et réglementations pour rapatrier des fonds en cryptomonnaies vers un compte bancaire traditionnel ?

“Il n’y a pas de processus particulier. C’est vraiment un département complet et classique. A savoir, ils vont vérifier:  

  1. Le KYC (conformité Know Your Customer c’est-à-dire qui est le client).
  2. D’où vient l’argent original avant l’investissement en crypto-actifs.
  3. Qu’est-ce qui s’est passé dans le cadre de l’investissement en crypto-actifs (quelles étaient les entités avec lesquelles la personne a interagi, etc…)

Et tout ça, c’est forcément visible sur la blockchain.

La particularité et la difficulté des départements de conformité vient de cet aspect qui est assez opaque pour eux, puisqu’ils n’ont ni les outils ni les personnes compétentes pour retracer et vérifier que tout est “propre”. 

Alors qu’en réalité, tout ce qui est crypto-actif, c’est beaucoup plus simple de voir tout ce qui s’est passé et la personne ne peut pas mentir. Parce que tout est visible sur blockchain et rien ne peut être caché.

Parce que tout est visible sur blockchain et rien ne peut être caché.

Ils doivent savoir ce qui s’est passé avec les crypto-actifs, comment vous avez eu la plus-value en crypto-actifs. Mais pour ça, ils ont besoin de compétences, d’experts et d’outils adéquats. Et en termes de réglementation, c’est la réglementation classique, donc tout ce qui est blanchiment d’argent, etc. En fait ce qu’ils veulent savoir c’est :  

  1. L’origine. Est-ce que les crypto-actifs qui viennent, donc ils sont vendus et la plus-value qui vient, est-ce que l’origine est licite?
  2. La destination. Où est-ce que va cet argent, in fine? Est-ce qu’il va dans le Dark Web ou est-ce que quand il sort, en euros, il va auprès de la banque, vous comptez faire quoi avec, vous achetez une maison ? 

Que ce soit l’origine et la destination, les deux seront vérifiées, mais c’est le reste de la conformité, de la réglementation AML (Anti-Money Laundering) classique. Il y a aussi le GAFI (Groupe d’Action Financière) qui a écrit pas mal d’articles sur ce sujet. Ils ont même créer des standards GAFI qui doivent être respectés avec quoi la personne devrait faire attention…

Il ne faut pas oublier le volet fiscal d’ailleurs! C’est quelque chose que les investisseurs oublient souvent. Ils se disent que puisque leurs investissements étaient propres et qu’ils n’ont pas interagi avec le dark web ou d’autres activités illicites, tout est en ordre. Même si ces investisseurs étaient irréprochables, il y a toujours un rapport que l’on donne à un investigateur.

Il est aussi crucial que le volet fiscal soit en règle : si quelque chose devait être déclaré ou des taxes devaient être payées, il faut s’en acquitter. La banque vérifiera toujours cet aspect. En d’autres termes, il s’agit de vérifier si la plus-value a été déclarée correctement. C’est une particularité souvent oubliée par les gens, que je voulais souligner ici.”

Nous avons écrit également un topic dessus : Les gains en crypto sont ils imposables en Belgique ?

Comment les banques traditionnelles interagissent-elles avec les spécialistes de la conformité ?

Les banques réagissent de manière assez positive car elles comprennent que nous sommes des spécialistes. Nous leur prouvons cela, car tout ce qui concerne les crypto-actifs est très factuel et technique. L’investigation ne ment pas, il n’y a que l’interprétation qui peut être remise en question. Pour le reste, notre investigation est très parlante. Les banques savent que nous sommes des experts et acceptent nos dossiers de rapatriement de manière assez favorable. De notre expérience, il n’y a jamais eu de refus.

L’investigation ne ment pas, il n’y a que l’interprétation qui peut être remise en question

Il faut également savoir que chaque banque, néo-banque et établissement financier a sa propre politique d’acceptation des crypto-actifs. Ainsi, une banque X qui accepte aujourd’hui un dossier de rapatriement peut très bien changer d’avis demain, même si vous prouvez l’origine des fonds. Une autre banque pourrait décider de ne plus accepter la plus-value des crypto-actifs. Ces politiques peuvent évoluer dans chaque établissement financier.

Cependant, avec l’arrivée de réglementations comme MiCA, nous nous dirigeons vers une démocratisation de ces processus. Les banques deviennent de plus en plus ouvertes à cela, notamment les banques privées et les banques classiques commencent également à s’ouvrir de plus en plus à cette réalité.”

Quel est le plus gros montant que vous avez dû rapatrier pour un client ? 

“Le plus grand montant de ma pratique en termes de rapatriement, c’était 3 millions d’euros.

En ce qui concerne le volet fiscal, nous avons pu démontrer pour un client après investigation que tout était licite sur ses investissements en crypto-actifs. Et chaque année, nous avons pû déclarer plus de 100 millions d’euros de gains.

Une fois toute cette étape passée, l’investisseur a pu procéder au rapatriement de ses fonds”

Quand doit-on faire appel à un agent de conformité  ?

“En fait, si c’est un gros montant, genre 200 000 – 300 000, un truc comme ça, il vaut mieux quand même prévoir l’acheminement. Donc quand tu essaies de rapatrier : 

  1. Ça passe : Souvent, il n’y a pas de problème et tout se déroule comme prévu.
  2. Ça casse : Si la transaction rencontre un problème, elle peut être bloquée, et on te posera de nombreuses questions.

Quand c’est un gros montant : c’est de pro-activement prévenir la banque et en montrant patte blanche. 

Personnellement ce que je conseille souvent quand c’est un gros montant : c’est de pro-activement contacter la banque en les prévenant en disant voilà, c’est de la crypto et en montrant patte blanche. 

Par contre, c’est une stratégie qui est quitte ou double. Si tu préviens, il y a moyen qu’il se penche sur l’affaire alors que ça pouvait être rapatrié facilement comme ça sans question.

En tous cas, de mon côté, je préfère toujours prévenir, comme ça, il n’y a pas de souci. Et en fait, ça montre ta bonne foi. Mais encore une fois, à voir quel montant, je ne sais pas, parce que ça dépend des banques, où est-ce qu’ils mettent leur niveau d’alerte.”

Faut-il attendre d’avoir atteint les 100 000 euros pour venir te voir ?

“Non, il n’est pas nécessaire d’attendre d’avoir atteint les 100 000 euros pour venir me voir. Si une personne rencontre un problème avec la banque pour un montant inférieur à 100 000 euros, elle peut toujours me consulter.

Si une personne rencontre un problème avec la banque pour un montant inférieur à 100 000 euros, elle peut toujours me consulter.

Pour des montants plus faibles, je ne ferai pas une investigation complète, car cela serait trop coûteux. En revanche, je peux réaliser une petite investigation pour fournir un aperçu de ce qui s’est passé avec vos fonds. Cela donnera une visibilité sur la blockchain, même si l’analyse sera limitée par rapport à un rapport complet.

Ce rapport simplifié peut être utilisé par la banque et aider à clarifier la situation, même sans toute l’interprétation détaillée. Pour les petits montants, cela devrait généralement être suffisant.”

Que se passe-t-il avec les cryptomonnaies ou crypto-actifs après un décès ? 

“Les crypto-actifs contrairement à la finance classique, donc contrairement aux euros, lorsqu’une personne décède, il faut absolument que la clé privée soit disponible pour les potentiels héritiers, etc. Il faut que tout cela soit prévu par la personne qui détient les crypto-actifs parce que tout simplement, personne ne pourra avoir accès aux crypto-actifs et donc on ne pourra pas décider du destin de ces crypto-actifs qui restent lorsque quelqu’un décède..

Par exemple : quand il y a une succession qui est organisée, les avocats et les curateurs contactent la banque pour obtenir les fonds et pour ensuite appliquer les règles de succession (et aussi appliquer les taxes fiscales). Je n’arrive pas à imaginer comment ça pourrait être possible avec les crypto-actifs puisqu’il n’y a pas d’intermédiaire, il n’y a personne qu’on peut contacter pour récupérer les fonds. 

La principale problématique reste l’accès aux fonds. Une fois que la personne est décédée, si elle n’a pas prévu la récupération des fonds […] Il est impossible de récupérer son crypto-portefeuille

La principale problématique reste là, c’est l’accès aux fonds. Une fois que la personne est décédée, si elle n’a pas prévu la récupération des fonds avec une clé privée, etc… Il est impossible de récupérer son crypto-portefeuille et donc de le transmettre à sa famille. Ce qu’il faudrait faire, c’est prévoir un testament où l’on met la clé privée ou autre. Elle va devoir les déclarer dans son testament et ça suivra le cours normal de la succession.”

Quand un utilisateur perd ses fonds en raison d’une faillite ou défaillance d’une plateforme, que faire ?

“Les banques & établissements financiers classiques, qui ont une lourde licence bancaire, ont l’obligation d’avoir 100.000€ de garantie par compte, s’il y a une perte ou autre (c’est le cas pour toutes les banques belges).

“Les banques & établissements financiers belges ont l’obligation d’avoir 100.000€ de garantie par compte, s’il y a une perte ou autre.

Sinon les plateformes d’échanges internationales n’ont pas le même type de régulation, elles en ont peu ou pas du tout “actuellement”. Je dis bien « actuellement », on verra dans le futur…

Si la plateforme d’échange fait faillite, il y a les règles qui s’appliquent et ce sont les règles du droit de société. À savoir, en premier lieu, ils doivent normalement débourser les créanciers. Je parle des actionnaires de la plateforme d’échange, ils doivent d’abord rembourser les créanciers (ce sont les les utilisateurs). Et après, seulement s’il reste quelque chose, ils peuvent se rembourser eux-mêmes. 

Par exemple : Le cas de Bit4you… Si tu lis les articles qui sont parus, tu verras qu’ils ont dû rembourser le maximum possible les investisseurs. Et c’est seulement en dernier lieu s’il reste quelque chose qu’ils peuvent se rembourser. Donc ça c’est vraiment les règles classiques qui s’appliquent en Belgique. C’est le cas d’une plateforme d’échange de cryptomonnaie qui était établie en Belgique, donc c’est les règles belge qui sont appliquées (il faut voir par pays ce qui est prévu dans la loi.)”

Que faire en cas escroquerie en crypto ? 

“Si un client se fait escroquer, il doit rapidement faire appel à un service spécialisé comme le mien pour enquêter et localiser les crypto-monnaies volées. Si les fonds ont été transférés sur une plateforme d’échange légitime, un juge d’instruction peut ordonner de geler le compte ou de révéler l’identité du détenteur.

Si la plateforme est régulée et coopère avec les autorités, elle peut être contrainte par le juge de gérer les fonds, de les rembourser ou de fournir des informations sur le compte. Il est crucial d’agir rapidement dans ces situations.

Si la plateforme est régulée et coopère avec les autorités, elle peut être contrainte par le juge de gérer les fonds, de les rembourser ou de fournir des informations sur le compte. Il est crucial d’agir rapidement dans ces situations.

En revanche, si les fonds se retrouvent sur une plateforme d’échange non régulée, comme celles basées aux Seychelles qui ne collaborent pas avec les autorités, il est très probable que les fonds ne seront jamais récupérés. Ces plateformes échappent souvent aux régulations et peuvent compliquer la récupération des fonds.

Actuellement, j’ai un client dont les fonds volés ont été transférés sur des plateformes comme Binance. Dans ce cas, nous attendons les instructions de l’avocat et du juge d’instruction, et ces plateformes coopèrent. Ainsi, il est possible d’intercepter les fonds. 

L’essentiel est de localiser rapidement les fonds escroqués, car s’ils sont retirés, il devient très difficile, voire impossible, de les récupérer.« 

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